Butine la vie !

AlterTourAlterTour, Agriculture, Bourgogne-Franche-Comté, Edition 2020

Si on se fie au nom de la Ferme « Butine », l’imaginaire et les à priori nous laissent penser qu’il s’agit d’une production de miel ou que la ferme est en lien avec les abeilles. Et bien non !
« Butine » est ici à prendre au sens de grappiller, récolter, recueillir, glaner car Thierry et sa femme Florence veulent essaimer un modèle d’agriculture bio basé sur la sobriété et la polyculture.
Suite à la canicule de 2003, Thierry, ancien informaticien, a changé son modèle de vie et a voulu avoir un impact sur le changement climatique.

Reconversion plus vieux, reconversion heureux !

En 2007,  il passe un BPREA (Brevet Professionnel Responsable d’Exploitation Agricole). Cette formation est nécessaire et obligatoire pour toute installation ou reprise hors du cadre familial. Petite déception, ces formations sont destinées à installer des agriculteurs « conventionnels » et donc peu adaptées à des projets atypiques en bio. Thierry, ayant plus de 40 ans au moment de sa reconversion, n’est pas éligible à l’aide à l’installation alors que son épouse Florence est encore éligible. Elle s’implique donc plus concrètement dans le projet en 2008.

Installés en AOC poulet de Bresse, ils imaginent pouvoir faire du poulet de Bresse bio. Autre constat : le cahier des charges AOC poulet de Bresse n’est pas compatible avec le cahier des charges bio, les poulets étant mis en cage et gavés pendant le dernier mois de vie. Ils se lancent alors dans l’élevage de chèvres avec le respect du cycle hormonal (1 traite par jour à la main, pas de traite en hiver, pas d’insémination artificielle) qu’ils complètent avec du maraîchage.

Un capital de départ lié à leurs anciennes activités et les aides à l’installation leur permettent de lancer l’activité sans endettement et voir « tranquillement » les premières années d’installation sans revenu.

On sait d’où on part et ou on veut aller mais le chemin pour y arriver est sinueux

Les premières années sont difficiles : la culture locale très conservatrice n’est pas vraiment propice au bio, la vente locale de produits bio dans les marchés est difficile et les AMAP ne fonctionnent pas très bien. Il y a aussi quelques tracasseries administratives liées aux aides européennes qui obligent les projets aidés à dégager un Smic par mois dès la cinquième année d’activité sans quoi les exploitants se doivent de rembourser leur aide à l’installation.
Le projet est donc remanié plusieurs fois.
Très vite, Thierry et Florence ont réalisé que cela nécessitait une disponibilité incroyable et qu’ils ne voulaient pas passer 70 heures par semaine à la ferme et se priver d’une vie sociale.
La ferme a donc évolué, ils ont diminué leur production pour se lancer dans l’accueil paysan et dans l’accueil social où ils continuent d’essaimer leur modèle agricole respectueux de l’environnement.
Le modèle économique de la ferme n’est pas rentable, Thierry possède huit chèvres et un bouc alors que les modèles préconisent 60 chèvres et traitent à la machine pour être économiquement équilibrés. Ce modèle ne rentre donc pas dans les canons administratifs et les standards « européens » mais cela est- il important ?

Suite à cette visite, une des questions qui se pose est de savoir s’il est possible de s’installer facilement quand on n’est pas agriculteur ou fils d’agriculteurs sur des projets atypiques lorsqu’on n’ a pas un capital initial important de départ.

L’exemple de Thierry et Florence est très parlant des difficultés rencontrées, mais malgré cela ils restent motivés et motivant.
Le tout étant de savoir où est l’essentiel ?

Caroline et Julien