La Ferme de l’Alliance à Pontchardon

JonasAgriculture, Edition 2021, Echappée Belle, Normandie

C’est en ce 25 juillet 2021 que nous nous lançons dans cette Échappée Belle Normande, en direction de la Ferme de l’Alliance de Pontchardon. Peu après 9h nous quittons l’Altertour à Saint-Contest où nous avons presque tou.tes passé la nuit, accueilli.es par La Demeurée, pour partir ensemble à l’heure. Nous arrivons après 77 kms de vélo chez notre accueillant. A peine sommes-nous installé.es, que Vincent nous explique sa reconversion et passion pour le maraîchage sur sol vivant (MSV) !

D’ingénieur à maraîcher

De formation ingénieur, il réalise rapidement que l’industrie ne le stimule plus. Avec sa femme, ils s’installent ensemble en 2014, dans cette ferme du Pays d’Auge qu’ils appelèrent la Ferme de l’Alliance de Pontchardon. Vincent s’oriente vers l’alimentation à travers les légumes bio et découvre les concepts et techniques du maraîchage sur sol vivant.

La ferme de l’Alliance abrite un corps de ferme typique du Pays d’Auge, datant du XVIIIème siècle et 11 ha de prairies biologiques.

Maraîchage sur sol vivant ?!? Quésako ?

Ces pratiques trouvent leurs origines dans l’agriculture de conservation des sols, qui est née en réaction aux Dust Bowls. Ces tempêtes de poussières frappèrent des millions de fermier.ères et habitant.es dans les années 30, suite à la surexploitation des sols. Les solutions scientifiques pour faire face à ces tempêtes de poussières s’orientèrent vers la réduction du labour pour limiter l’érosion des sols. L’Amérique marquée par cette catastrophe écologique et agricole créera un bureau de conservation des sols. Ce seront les prémisses du non travail du sol et donc du maraîchage sur sol vivant.

Vincent Levavasseur nous explique que l’objectif est la « conservation des sols ». Le constat de l’époque était simple : pour limiter les tempêtes de poussières, un sol ne doit pas être nu. Et ils ont cherché des techniques qui allaient dans ce sens, c’est-à-dire sans travail du sol, sans labour.

Quand le maraîchage s’inspire de la forêt

Un bel exemple de sol riche qui n’est jamais nu et jamais travaillé, c’est bien la forêt !
Le Maraîchage Sol Vivant prend son inspiration directement dans la forêt. Cette dernière produit beaucoup de biomasse sans rien faire.

Passage de la prairie aux légumes, sans travail du sol

En 2015, c’est l’heure pour Vincent de transformer ses prairies pour débuter son activité de maraîchage et bien sûr, ce sera sans travail du sol ! C’est important pour lui car cela évite de détruire l’activité biologique du sol ou d’en faire sortir les nuisibles. Je crois bien qu’il aime autant les vers de terre que ses légumes !

Le maraîchage sur sol vivant permet de reconstituer sur des parcelles agricoles le cycle naturel de fertilité des sols.

Le rôle du ver de terre dans le maraîchage sur sol vivant

Le ver de terre aère le sol. Aussi grâce à ses allers/retours entre les profondeurs et la surface, il va apporter aux plantes tout ce qu’elle ne trouve pas elles-mêmes. En contrepartie, pour remercier ces travailleurs de l’invisible, la plante va enrichir l’air, héberger et nourrir les champignons (phosphore).

Ca pousse tout seul

Vincent a réussi la prouesse de nous expliquer les complexes interactions du vivant et de la biodiversité en une présentation d’une heure avec des mots simples. Et il résume : « En non travail du sol, ça pousse tout seul ! »

La bâche, l’allié du maraîcher

Mais alors à quoi servent toutes ces bâches disposées un peu partout à travers le jardin ?
Vincent nous explique qu’en maraîchage sur sol vivant, un des outils principaux est la bâche qui va « nettoyer » des espaces avant de planter ou semer. La bâche, posée sur le sol quelques semaines, va permettre d’épuiser les plantes envahissantes et de limiter leur vigueur afin qu’elles n’entrent pas en concurrence avec ses plants. Un peu comme les herbicides qui font polémique à travers le monde, sauf que là, ça ne détruit absolument pas du tout la vie du sol.

Cette méthode consiste à ne jamais travailler le sol ni avant la mise en place d’une culture, ni pendant (pas de binage), ni après et à laisser le sol toujours couvert.

Le maraîchage, un jeu sans fin !

Finalement, être maraîcher c’est comme être au milieu d’un grand jeu de stratégie visant à jouer avec les différents éléments de l’environnement qui l’entourent pour les mettre à profit dans la production de ses fruits et légumes.

Mais bâcher sur de grandes surfaces, c’est fou non ?

En effet, Vincent attire notre attention sur le fait que les techniques de maraîchage sur sol vivant ne peuvent pas se dupliquer à l’identique sur les grandes surfaces. En effet, couvrir avec des bâches des dizaines voire des centaines d’hectares serait complément fou. Il serait également impossible de recouvrir de compost ou BRF (bois raméal fragmenté) des champs entiers. C’est là que le jeu de stratégie refait surface. Comment faire ? 

Le génie végétal vs la mécanisation & la chimie

L’alternative avec un grand A sur des grandes surfaces serait donc le « génie végétal ». C’est-à-dire penser, réfléchir à composer avec le végétal pour arriver à nos fins. Il est par exemple possible de chasser les plantes par les plantes en semant du seigle ou de l’avoine entre les rangs. Plus on va éviter la mécanisation et la chimie, et plus on s’approche du but. Sur de plus grandes surfaces, plutôt que de couvrir avec du compost ou du BRF, l’idée du génie végétal serait par exemple de produire sur les périodes où l’énergie solaire n’est pas utilisée. Entre la moisson et les prochains semis, plutôt que de laisser le sol nu, on pourrait profiter de ces mois encore chauds pour enrichir le sol et indirectement le nettoyer.

Vincent nous a transmis ses connaissances et techniques avec passion !

Plus passionné que jamais, Vincent a réussi en une heure à nous faire penser « ver de terre » toute la nuit et la matinée !

Mais lui va plus loin encore, en 2017 avec Konrad Schreiber il a créé Ver de Terre Production pour partager toutes ces techniques testées et appliquées sur toutes les cultures, ou presque. C’est une plateforme de partage accompagnée de la chaîne Youtube et des stages de formation. Un autre projet est en cours : le « Centre Normand de Développement du Maraîchage sur sol vivant’’.

Le temps passe et je vois que je ne vous ai relaté que les enivrantes paroles de Vincent, et que j’ai fait l’impasse sur l’accueil, les lieux, la cuisine, les chats, les poulets, les moutons aux allures de chèvres, notre repas…

Bref nous avons vraiment passé un super moment. Merci à Vincent pour son hospitalité et son envie de partager sa passion !
Il est maintenant l’heure d’aller se reposer. Demain on entame la deuxième étape avec 72km au programme ! A demain pour la suite des aventures !

Perrine