Des vaches kiwi en pleine moisson

marie.hameonAgriculture, Alimentation, Bretagne, Edition 2021, Echappée Belle

Le soleil se lève sur Lorient. Et ce sont les yeux encore un peu endormis que nous quittons la ferme urbaine du Bios du château . En quelques coups de pédale, nous passons du Scorff à l’Atlantique, puis de l’océan à la Laïta. Cela sonne comme un lointain sibérien, entre Laïka et Baïkal. Il est vrai que nous avons sorti nos doudounes, écharpes et bonnets. Nous remontons vers le nord, quittant le Morbihan pour entrer dans le Finistère, tel un troupeau en transhumance.

A Guidel, nous prenons le petit bac pour traverser la Laïta, sous les conseils de Gérard, altercycliste depuis la première heure. Après 14 ans, enfin le tour passe devant chez lui. En trois allers-retours, le groupe est de l’autre côté, au complet, et après une courte baignade un peu fraîche mais revigorante, nous nous remettons en selle.

Puis, de glanage de mûres mures en murmure de glanage, Bara’laezh et son imposant hangar en bois nous tendent les bras. Baralaezh. Tout simplement. Bara = pain, laezh = lait. Comme son nom l’indique, ils font du cochon et pousser des capucines. Mais non voyons, ils font du pain et du yaourt pour les cantines scolaires ! Arrivés un peu par hasard sur la commune de Riec-sur-Belon en 2016, Romain et Fabien ont présenté leur projet au maire, au paysan qui les accueillait et aux établissements scolaires alentour. Ils ont ainsi bénéficié d’un réel soutien local.

L’idée : aller du brin d’herbe au yaourt et de l’épi de blé au pain, pour réintroduire du bio et du local dans l’alimentation des enfants. Aujourd’hui, Fabien (éleveur-transformateur) et Romain (paysan boulanger) sont accompagnés de Jean-Marie (nouvellement associé) sur l’élevage-fromagerie, de Pierre-Henry (salarié) sur la boulangerie-meunerie, et de Fannie, saisonnière, formée à la communication animale.

Dix-huit établissements scolaires profitent de leurs produits et chaque année les classes viennent une demie journée pour leur rendre visite, découvrir leurs activités et rencontrer le troupeau. Et quand une épidémie vient geler les débouchés, ils peuvent compter sur la communauté pour écouler le pain et les yaourts, et sur Biolait pour récupérer le lait non transformé. Sous la demande grandissante, ils ont aussi ouvert une vente à la ferme. Mais cela ne remet pas en cause leur rythme, calé sur le calendrier scolaire. 

Point capital du projet initial : travailler avec les écoles pour pouvoir prendre des vacances – encore trop rares chez les agriculteurs – s’occuper de la ferme, s’atteler à toutes les petites choses, bouiner comme ils disent. Après un temps de présentation assis dans l’herbe, Fabien au large sourire nous fait faire un tour de son troupeau. Nous rencontrons Heureuse, Mimie, Nénette, Marguerite et les autres, entourées de quatre veaux. Puis c’est au tour de Romain de nous montrer sa boulangerie, son four en briques réfractaires et son tapis roulant permettant d’enfourner les pâtons. Le tout réalisé par un copain maçon, pour donner un coup de main.

Hélas pas de dégustation possible, nous sommes le 17 août, la production recommencera à la fin du mois pour la rentrée. Mais c’est sans rancune parce que Fannie a fait des crêpes pour notre venue, et parce qu’on voit bien qu’ils sont très occupés. En effet, nous arrivons en pleine moisson – ils se relaieront toute la nuit pour trier le blé – une vache, remise d’une fièvre de lait, demande un peu plus d’attention que d’ordinaire et Nénette devrait vêler cette nuit. Malgré tout, ils trouvent du temps pour nous, nous accueillent avec enthousiasme, nous racontent leur parcours et leur projet tout en s’excusant de devoir être au four et au moulin.
Et nous nous endormons sur un tapis moelleux de trèfle géant, avec le sentiment d’être des pachas.


NB : si vous cherchez toujours à comprendre le titre de cet article : dans le troupeau il y a des Prim’holstein, des Jersiaises et des « kiwis » qui sont un croisement des deux précédentes et qui sont à leur tour croisées avec les races froment du Léon, Abondance et Puy noire bretonne. On en apprend tous les jours !

Marie H.

Photo © Bara’Laezh