En cette matinée du 18 août, les altercyclistes quittent les Jardins d’Aigue Vive perchés sur les hauteurs de Ségus en dévalant les pentes (enfin!) rafraîchies par la bruine, pour suivre le Gave de Pau.
Sur la commune d’Agos-Vidalos, au pied de l’imposant massif du Pibeste, la sécheresse prolongée de cet été donne aux arbres une couleur déjà automnale, et le niveau de l’eau est à un niveau particulièrement bas. La rivière serpente tout de même avec un débit plutôt rapide en dessinant des lacets capricieux entre des bandes de galets qui affleurent dans son lit.

ECO-ALTITUDE restaure les berges du Gave de Pau
C’est sur ces berges que, le temps d’une halte, les altercyclistes rencontrent Kevin Liautaud, ingénieur agronome au sein de la société ECO-ALTITUDE. En face, l’autre rive est bordée de près par la route départementale 13, très passante. « C’est là qu’en 2013, et également en amont à Beaucens, des crues exceptionnelles ont détourné le cours de l’eau, qui a emporté une bonne partie d’une vieille décharge sauvage », se rappelle Kevin. Au total, ce sont 15 tonnes de déchets inertes, 3 tonnes de ferraille et 2 tonnes de déchets plastiques qui ont été charriés par les eaux tumultueuses du Gave de Pau.
« Depuis on a vu fréquemment des déchets enguirlander la végétation des berges », déplore l’ingénieur d’ECO-ALTITUDE. Cette société de génie écologique, familière des interventions en montagne, a ici été mandatée pour concevoir la restauration écologique des berges. « Ce qui est classique, c’est l’enrochement des berges, mais là on a fait autrement », explique Kevin. Car le projet, réalisé en 8 mois entre 2024 et 2025 en coordination avec d’autres sociétés, a permis un travail de stabilisation et de végétalisation des berges.
Pour ce faire, « nous avons procédé à un retalutage avec une remontée douce du bord, pour dévier l’énergie de l’eau », synthétise Kevin. Le long du cours d’eau, la structure est faite de fascines, grands pieux en acacia plantés en quinconces, et de bois tressé entre ces fascines.
Vidéo du chantier (pour sa partie Beaucens)
Des renforts perpendiculaires sous forme de boudins de saule stabilisent ces berges reconstituées. « Cet aménagement doit faciliter l’installation d’une végétation plus pérenne », poursuit Kevin, dont la société a privilégié les saules blanc et drapé ; ce dernier ayant la particularité de se coucher sans rompre lorsque les crues le contraignent.
L’espoir est d’éviter aux berges de se recouvrir des essences envahissantes qui y prospèrent et menacent les écosystèmes, comme la renouée du Japon ou la balsamine de l’Himalaya. Car la biodiversité locale comporte des animaux menacés tels que la loutre, le martin-pécheur ou encore le cincle plongeur. On leur souhaite de trouver prochainement un habitat accueillant sur les berges du Gave de Pau.

La Sonnante relie les acteurs de l’économie des Hautes-Pyrénées
Arrivés à Argelès-Gazost, les altercyclistes déjeunent à l’Espace de la gare, lieu hybride établi dans l’ancienne gare. Là, Benjamin, bénévole de l’association La Sonnante, leur présente la monnaie locale complémentaire de même nom. Cet outil vise à « capturer la valeur qui s’échange sur le territoire du département des Hautes-Pyrénées, à faire des liens entre acteurs de l’économie locale », explique-t-il.
Avec un taux de conversion d’un euro pour une sonnante, et en étant pleinement convertible en euros, les billets de la sonnante constituent moins une monnaie à part entière qu’un moyen de fédérer l’écosystème local des Hautes-Pyrénées. Revendiquant 180 adhérents, l’association réunit 80 commerçants qui l’acceptent donc pour leurs transactions. Plus de 20.000 € de sonnante sont ainsi en circulation. « Il y a 6 bénévoles dans la vallée qui œuvrent à développer le réseau », détaille-t-il.
L’ambition du projet est à la fois sociale / solidaire, locale, économique (en favorisant l’économie réelle contre la spéculation) et écologique. Mais comment s’assurer que les commerçants partie prenante sont cohérents vis-à-vis de ces objectifs ? Alain Masy, membre de la direction collégiale de La sonnante, se rappelle qu’au départ, l’association prévoyait d’attribuer des notes sur ces 4 objectifs pour statuer. « Mais on ne l’a jamais fait, ce n’était pas nécessaire », seuls les convaincus par ces valeurs rejoignant la démarche.
Cela ne signifie pas que l’adhésion de tous les commerçants va de soi. Le cas de Biocoop a par exemple suscité des débats. « Certains, notamment des maraîchers fournisseurs de Biocoop, étaient pour ; d’autres étaient contre, parce que Biocoop étant une entreprise nationale, ce n’est pas très local, avec le risque de dumping inhérent aux grandes enseignes de distribution », se remémore Alain.
Au final la Biocoop joue un rôle essentiel pour permettre d’écouler les sonnantes de ses détenteurs, observe-t-il.

Avec Association Accueil Azun, le val d’Azun a son alternative au narratif antimigratoire
Marianne Populer, co-présidente de « 3A », pour Association Accueil Azun, prend à son tour la parole devant les altercyclistes. « On a l’impression de faire quelque chose de concret », déclare-t-elle. Et pour cause : les bénévoles de 3A accueillent à tour de rôle des personnes migrantes : quelques familles et surtout de nombreux mineurs non accompagnés, à tout de rôle : « L’association gère les plannings, il y a une rotation chaque semaine », détaille-t-elle.
L’association accompagne également les personnes dans leurs démarches, et notamment auprès des mineurs, pour obtenir l’acte de naissance et ainsi la précieuse reconnaissance de minorité. Avec ensuite la gestion de la scolarisation (financement des inscriptions, de la cantine, de l’internat éventuel, etc.), l’association prenant le rôle de tuteur légal de ces mineurs. « On fait le boulot que l’État ne fait plus », déplore Marianne.
Une façon d’alléger l’engagement des 40 familles accueillantes, qui hébergent, soignent et nourrissent leurs hôtes. « Tout est parti d’une réaction aux a priori racistes que nous entendions au moment de la guerre en Syrie », se rappelle Marianne. « Nous souhaitions accueillir une famille, puis peu à peu l’association s’est structurée », résume-t-elle.
Principalement originaires d’Afrique de l’Ouest (Guinée Conakry, Mali, Ghana) ou centrale (Congo), voire d’Arménie pour quelques familles, ces migrants sont généralement passés par l’Espagne. « Les policiers espagnols leur indiquent volontiers la direction de Barcelone, puis des cars pour la France, et plusieurs débarquent ainsi à Tarbes », explique-t-elle.
Le plus souvent, c’est la Cimade qui oriente ces jeunes vers 3A, ou bien l’Aide sociale à l’enfance. Une dame à Tarbes, habituée des maraudes, met régulièrement elle aussi des jeunes en lien avec l’association.
« Je crois que c’est plus facile d’avoir ses papiers à Tarbes », suppose Marianne, par contraste avec les services des préfectures en Île-de-France. Un argument qui fait mouche, et convainc la petite dizaine de personnes accueillies de rester.
A partir de là, l’association organise également diverses animations avec ces jeunes et les habitants des villes et villages de la vallée, en lien avec l’écosystème associatif local. Chaque trimestre, se tiennent ainsi des auberges du monde. Juste après cette présentation de Marianne, les altercyclistes ont même été invités à prendre part à un match de football avec les jeunes accueillis de 3A, auquel se sont joints des membres d’autres associations et des jeunes habitants d’Argelès-Gazost, attirés par l’événement. On a ensuite retrouvés ces mêmes jeunes derrière les stands de la Sonnante à l’occasion du festival / concert organisé au parc thermal de la ville.
Ce qui permet à Marianne de dire que 3A fait bien plus que de l’accueil et de l’animation, et est même « une alternative à la politique discriminatoire de Bruno Retailleau et de son gouvernement, de la xénophobie ambiante instrumentalisée pour détourner l’attention des gens des vrais problèmes ».

