La ferme collective de la Condamine cultive l’entraide et la sobriété

MathieuAgriculture, Édition 2017, Revue de presse, Occitanie, Silence

En périphérie de Montpellier, un collectif fait vivre la Ferme urbaine collective de la Condamine, où se nourrissent agriculture biologique et activités pédagogiques et culturelles.

  • Montpellier (Hérault), reportage

Le 25 juillet 2017, la caravane de l’AlterTour, après un passage par le bord de mer et une remontée le long du Lez, traversait Montpellier du sud au nord et rejoignait la Ferme urbaine collective de la Condamine pour une journée de repos bien méritée.

Depuis avril 2017, sept personnes vivent dans cette ferme située en bordure de la ville, avec le projet de produire des légumes et des fruits biologiques et d’en assurer la diffusion localement.

Paysagiste, maraîchère, cuisinier, animatrice, naturaliste, éducatrice, architecte paysager… C’est dans le réseau des colocations montpelliéraines qu’ils-elles se sont rencontré·es. « Un premier jardin collectif est né d’envies d’expérimentations maraîchères, sur un petit terrain aux abords de Montpellier. Petit à petit a germé l’idée d’un projet mêlant les activités des un·es et des autres. L’association Les Jardiniers toqués s’est alors créée, permettant de commencer à développer une activité de restauration végétarienne et d’animation culturelle et pédagogique. »

Une « ceinture nourricière en agroécologie » pour améliorer la résilience de la ville

La recherche de terrains amène le groupe à répondre à un appel à projets de la métropole Montpellier-Méditerranée, dont la politique agroalimentaire a prévu de favoriser la mise en place d’une « ceinture nourricière en agroécologie » pour améliorer la résilience de la ville. D’anciens maraîchages, préemptés par la métropole pour des projets d’urbanisation, sont ainsi remis en culture.

Le statut associatif ne permettant pas de répondre à cet appel à projets, six volontaires entrent alors au sein de Terra Coopa, une coopérative agricole qui leur permet de suivre un contrat d’aide professionnel. Ils et elles bénéficient ainsi du revenu de solidarité active, le temps de démarrer leurs activités. La septième personne gère l’association liée à la ferme.

La métropole a retenu leur projet proposant de lier maraîchage, cuisine et accueil pédagogique et culturel. Elle leur a attribué une ancienne exploitation de cinq hectares avec un verger ancien, des serres et des terres de culture pour les légumes de plein champ.

Le terrain, en bordure de route, a malheureusement servi de décharge sauvage pendant des années, ce qui nécessite un long travail de nettoyage assuré en partie par les services de la métropole et achevé par le collectif (petits morceaux de plastique), parfois aidé lors de journées de nettoyage en chantier participatif.

La métropole leur a accordé un « commodat » : un bail gratuit d’un an renouvelable. Le collectif travaille sur une proposition de bail agricole à long terme leur permettant d’envisager plus sereinement leurs investissements.

S’orienter vers l’agroforesterie pour développer des arbres fruitiers en couvert des légumes

La proximité de la ville de Montpellier assure un débouché immédiat à la production : elle organise la vente directe sur place et la livraison dans des points de vente, en particulier à La Cagette, nouveau supermarché coopératif dont certain·es suivent l’avancée depuis le début.

« L’idée est d’associer les serres, les tunnels et le plein champ pour assurer une production toute l’année. » La première année, le collectif a pu commencer les semis un peu avant d’être officiellement dans les lieux. Il a été décidé de se concentrer sur six espèces de légumes d’été et six d’hiver, en multipliant les variétés par espèce.

Lorsque le bail sera stabilisé, le groupe envisage de s’orienter vers l’agroforesterie pour développer des arbres fruitiers en couvert des légumes, plutôt que de maintenir un verger à part. L’agroforesterie doit permettre d’économiser l’eau et les apports de nutriments pour les légumes. Certaines parcelles, cultivées chimiquement encore récemment, sont en reconversion bio. Quant à celles où les légumes sont cultivés, elles sont déjà considérées comme bio car elles sont restées non cultivées pendant six ans.

Les sols sont déjà très riches en matières organiques et, pour maintenir cette qualité, un accord a été passé avec des paysagistes qui livrent des déchets verts à composter.

L’activité de restauration, qui permet de gérer les excédents de production, représente une autre source de revenus. S’il y a encore du surplus, des conserves sont réalisées mais uniquement pour la consommation personnelle du groupe.

De même, quelques poules sont présentes mais, pour le moment, leurs œufs sont uniquement consommés sur place. La production pour la vente serait intéressante, mais elle demande la mise en place d’une gestion sanitaire, qui est envisagée à plus long terme.

Mettre en pratique des idées d’autonomie, de vie sans hiérarchie, de respect des envies de chacun

Actuellement, seul un des bâtiments est habitable. Cinq personnes et deux enfants y vivent en colocation, les deux autres à l’extérieur. Certain·es souhaitent plus d’autonomie. La remise aux normes d’autres bâtiments, qui doit être assurée par la métropole, devrait permettre une meilleure répartition des habitations.

Du fait de la proximité de la ville, le collectif est très sollicité, que ce soit par les médias ou par des gens de passage qui cherchent un hébergement. Une discussion s’est ouverte avec Accueil paysan pour fonder un camping à la ferme.

Une petite parcelle située en bord de route a été aménagée pour accueillir des événements culturels. Ainsi, le passage de l’AlterTour a été l’occasion d’une soirée musicale. Outre les cyclistes du tour, une centaine de Montpelliérain·es y ont participé. En octobre 2017, ils-elles ont organisé le festival Le Champ du poulpe, mêlant cirque, musique et restauration locale.

Le métier de maraîcher n’est pas la seule motivation. Le fonctionnement collectif est un autre choix : mettre en pratique des idées d’autonomie, de vie sans hiérarchie, de respect des envies de chacun·e. Le travail est vu comme un moyen de vivre et non comme un but. Après une première saison, le collectif prend conscience que chacun·e doit avoir du temps pour des activités extérieures. Léa et Nadia, par exemple, sont impliquées dans une chorale militante. Lors de notre deuxième passage, début septembre, elles rentraient d’une rencontre des chorales à Notre-Dame-des-Landes. Le collectif permettant de répartir le travail, chacun·e peut s’y investir à sa manière. Grâce à un collectif installé sur une petite surface et à des modes de vie peu dépensiers, chaque individu a une plus grande liberté vis-à-vis des impératifs de culture, par rapport à un maraîcher individuel classique. La sobriété et l’entraide sont des facteurs de liberté.

La Cagette a vu le jour en septembre 2017 : en dix jours, 72.000 euros ont été collectés auprès de plus de 200 personnes pour financer le rachat d’une ancienne supérette. L’opération est née du désir d’un groupement d’achat préexistant de s’ouvrir plus largement. Le but est d’offrir une offre alimentaire de qualité, respectueuse de l’environnement et des humains. Le magasin fonctionne grâce à l’engagement des coopérat·rices, qui doivent offrir trois heures de travail par mois. Le tout fonctionne sous forme coopérative, sans notion de profit ni hiérarchie. Les décisions se prennent par consentement lors d’une réunion mensuelle. Des débats passionnés tournent autour des produits acceptables ou pas : local, bio, à bas prix, grandes marques…

Source : La Revue Silence pour le site Reporterre