La maison des semences paysannes de Kaol Kozh

JonasAgriculture, Bretagne, Edition 2021, Environnement, Non classé

Nous traversons des villages aux maisons de granit sur lesquels veillent les hautes flèches de dentelle fines comme des ailes libellules. Ces clochers des églises se dressent entre catholicisme et rites païens, car ce sont les fées qui les aident à supporter les vents.
Les virées de l’Altertour ont parfois un air d’étrange poésie : chacun joue de son mollet rond ou carré sur sa pédale plus ou moins bien réglée.
Certains peinent et, appuyant du talon sur leur pédale, ressemblent à des grenouilles en surcharge. Cela me fait de la peine. Mais c’est beau quand même. C’est l’échappée comique.

Arrivant des monts d’Arrée (un des plus manifestes « pays des fées » que je connaisse) et après une longue pause pour double crevaison, l’Altertour qui s’était étiré en flèches déposées à la croisée de nombreux chemins (où l’on s’aperçoit qu’à la fin, tous les vélocipédistes devenus flèches attendaient au bord de la route et à un poil près, la chenille étirée n’aurait plus eu d’individu à disposer sur le bas côté) se resserre enfin pour une arrivée glorieuse à Roscoff près de la mer, au château du Laber à l’improbable architecture et au châtaignier bi-centenaire.
Ce château fut voulu par la comtesse pour son enfant tuberculeux. Ce lieu est ensuite devenu centre d’accueil pour problèmes pulmonaires, puis pour obèses et enfin un centre aéré.

Pour l’instant, il n’y a pas de projet par la communauté de communes de Roscoff pour ce château qui se délabre. Mais depuis mars 2019, l’association Kaol Kozh y a installé une Maison des Semences Paysannes.
Aujourd’hui, les enfants du centre devenus adultes reviennent visiter cette ferme et revoir ce potager qui fut celui des centres aérés.
Le microclimat et la biodiversité sont propices à la multiplication des semences.
Une variété paysanne est une variété dynamique sélectionnée et reproduite par des paysans.

Faire ses graines de chou et d’oignon rose de Roscoff était une tradition dans la région du Léon (à l’ouest de la rivière Éon c’est le Léon, à l’est c’est le Trégor… Attention ! C’est pas d’même !). Aujourd’hui, ce n’est plus un métier.
Le catalogue officiel empêche que les semences non répertoriées au catalogue ne puissent se vendre voire s’échanger, mais la législation change assez vite. Le procès Beaumont/Kokopeli y a contribué.  Notre visite au jardin dans l’univers de la reproduction du végétal est passionnante. Nous marchons dans le jardin, Marc Sire est doué d’une sympathie naturelle qui aide à sa présentation claire et vivante.
Ce fut un bon séjour chargé de sens !

Frédérique Soulard